Communiqué de presse
12 Octobre 2017
Carte blanche de Daniel Bacquelaine: «Deux syndicalismes»
Pour le ministre, il y a deux syndicalismes : un qui défend fermement les intérêts de ses affiliés et un qui poursuit des objectifs idéologiques. Il parle, dans le second cas, d’une minorité organisée qui confisque illégalement l’espace public. Et fait du tort aux vrais défenseurs des travailleurs.
Je ne pense pas être le seul à déplorer l’instrumentalisation du droit de grève opérée aujourd’hui par un syndicat pour faire avancer son agenda politique. Il n’a d’ailleurs pas été suivi par les autres syndicats.
Soyons clair. Je ne reproche pas aux dirigeants syndicaux et à leurs affiliés d’avoir des opinions politiques. Je ne leur reproche pas non plus de les exprimer. Je ne leur reproche pas non plus de protester contre les mesures gouvernementales. Ce que je reproche aux syndicats, c’est deux choses. Premièrement, de transformer la grève en arme politique. Deuxièmement, de violer délibérément la liberté de circuler et de travailler des non-grévistes.
Une grève est « la volonté d’obtenir par une pression exercée à l’encontre de l’employeur la satisfaction d’un intérêt professionnel ». Rien de cela aujourd’hui : la grève est dirigée contre le gouvernement. Non pas pour satisfaire un intérêt professionnel mais pour réaliser des objectifs politiques (affaiblir le gouvernement, combattre des réformes, faire le jeu de l’opposition, etc.). C’est une grève « politique » et l’employeur à qui on porte atteinte n’a d’ailleurs pas le pouvoir de satisfaire ces exigences « politiques ».
Si la grève se limitait à ne pas travailler et à manifester sans entraver la liberté de circulation, il n’y aurait évidemment aucune objection à faire. Mais ce n’est pas cela qui se passe. De manière régulière, l’espace public est illégalement confisqué par une minorité organisée.
Pour toutes ces raisons, nous constatons une impopularité croissante dans la population envers les syndicats. Je la déplore car je pense que cette dérive est en train de tuer le syndicalisme alors même qu’il a un rôle essentiel à jouer dans la concertation sociale.
La poursuite d’objectifs idéologiques
Je dialogue avec les syndicalistes depuis des lustres et, dans le cadre des réformes des pensions, je négocie avec eux. A côté de personnes très compétentes et désireuses d’aboutir à un accord, on en trouve malheureusement certaines prêtes à sacrifier toute avancée, fût-ce au détriment de leurs affiliés, parce qu’elles utilisent la grève à des fins idéologiques.
En réalité, il existe deux syndicalismes : un syndicalisme qui défend fermement les intérêts de ses affiliés et un syndicalisme qui poursuit des objectifs idéologiques.
Comment reconnaître ce syndicalisme idéologique ? Il viole constamment la confidentialité des débats. Parfois à travers des tweets incendiaires expédiés au moment même de la négociation. Parfois, il sabote le processus par des déclarations à la presse avant même que ne débute la négociation. Mais le pire, c’est la désinformation permanente. Par exemple, cette affirmation que nos réformes seraient discriminatoires pour les femmes. Pur mensonge. D’ailleurs, la Cour constitutionnelle vient de juger que l’égalité entre hommes et femmes n’est pas violée dans une réforme pour laquelle ce grief nous était adressé.
Cette dérive ne peut mener qu’à une impasse. Pourquoi ? Car elle revient, à terme, à détruire le syndicalisme lui-même. Le syndicalisme a besoin de liberté et de démocratie. C’est d’ailleurs Adam Smith qui appela le premier à respecter la liberté des travailleurs à se rassembler en syndicats. C’est l’économiste libéral français Frédéric Bastiat, qui, en 1849, député à l’Assemblée, intervint, le premier, pour exiger que l’on reconnaisse le droit de grève. Toujours au XIXe siècle, c’est le libéral belge Gustave de Molinari qui, luttant contre l’interdiction des coalitions, le livret obligatoire, etc., a ouvert une souscription pour les ouvriers condamnés pour faits de grève.
A contrario, les syndicalistes qui – comme certains à la FGTB – appellent à une union des gauches avec le PTB semblent ignorer que, dans ce paradis marxiste qu’était l’URSS, les grèves étaient interdites et les grévistes fusillés. Les syndicats, noyautés par le pouvoir, durent accepter les cadences infernales du stakhanovisme et les législations draconiennes contre « les fainéants et infranormaux » appliquées avec un zèle marxiste par les « tribunaux des camarades ». Ne leur en déplaise, la démocratie libérale est l’unique garantie de la liberté syndicale car elle seule assure le respect de cette valeur libérale fondamentale : la liberté d’association.
Bon dialogue
Heureusement, le monde syndical comprend aussi des personnes qui sont authentiquement mues par la volonté de défendre les droits des travailleurs tout en faisant tourner la machine économique. Dans un système de concertation qui fonctionne, il est alors possible d’aboutir à de vrais accords tels que ceux que nous avons obtenus pour les pensions complémentaires ou celles du secteur public.
Ce syndicalisme se caractérise par le respect de l’interlocuteur, la maîtrise des dossiers, le pragmatisme, la connaissance des réalités du terrain, une discrétion par rapport à la presse, etc. Les syndicats sont précieux, quand il s’agit de tenir compte de situations spécifiques, de consacrer des dérogations et de mettre en place des périodes transitoires. Quand une telle dynamique se met en place, c’est un vrai bonheur et le résultat est aussi délicatement ouvragé qu’un travail de dentelle. Tous les partenaires sentent alors qu’ils œuvrent réellement pour le bien commun.
C’est ce syndicalisme-là que discrédite et menace le syndicalisme idéologique. C’est ce syndicalisme-là qu’il importe de défendre. Aujourd’hui comme hier, les libéraux sont attachés à préserver cet outil. Non pas devant les caméras et dans l’agitation. Mais dans le respect et la concertation.